
Vendredi 23 Juin 2023

Zohastre
Psyche Transneptunien – Cher
Tout en dirigeant le label ZamZamRec, fin pourvoyeur d’expériences musicales sinueuses, en créant les pochettes et enchainant les sorties (80 à ce jour !), Héloïse et Olmo ont formé Zohastre comme un réceptacle sonore de leur quête hallucinée d’une autenthique expérience téléphatique, réalisée sous contrôle d’huissier, mais lui-même sous contrôle d’un esprit invoqué pour l’occasion. La musique du duo est toujours en mutation, soumis aux soubresauts de leur impulsion créative rayonnante, à tel point que les chroniques à leur sujet peinent à leur coller une étiquette : proto-techno médiévale, kraut paganiste, transe à cabrette, messe noire pour multiprises et percussions, batucada lysergique, accélérateur de particules sur lutherie désaxée, programme de réinsertion pour shamans sous plan social, field recording de l’ère du pré-cambrien, chevauchée de dragon cosmique, ou bande son des scènes de cérémonie coupées au montage de The Wicker Man ? Où est donc la vérité ? Quelque part dans la galaxie zohastrienne, celle qui irradie de sa lueur chaleureuse les soirs d’été où le regard se perd dans le lointain et la joie de l’instant présent, le corps pris dans la pulsation frénétique battue par Olmo alors que l’esprit est enfin libre de ricocher le longs des cordes théoriques tissées sur l’établi d’alchimie électronique d’Héloïse.
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MacaDame
Flamenco Métamorfico – Peyrat Le Château
Dans MacaDame on trouve un dame au chant possédant, irradiant d’une colère juste et des larmes des opprimés, et un monsieur qui fait des irruptions douces ou cinglantes à la clarinette. Les deux font du flamenco, il faut entendre par là que loin des clichés exotiques et dépolitisés, leur musique se situe dans cette veine écarlate, drapée des couleurs de l’émancipation : le flamenco comme art de reconnaissance des communautés en lutte, agitateur émotionnel de la place publique, aujourd’hui toujours vivace grâce aux diverses réappropriations et metissages qui lui font épouser les causes actuelles.
Car MacaDame, au delà de ses concerts, est l’émanation d’un collectif qui préfère mettre en avant non pas des visages et des noms mais à travers de nombreux ateliers ses engagements pour l’antiracisme, la transmission culturelle, le féminisme et le décolonialisme, entre autres.
Entre la castagnette DIY et le brassage électronique, c’est donc une incarnation à vif, inspirée et ensorcelante d’une tradition réinventée, décloisonnée et ensemencée par les cultures latino-américaines qu’on aura la chance d’accueillir sur la place publique du festival toute ouverte à l’agitation.
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Delphine Barbut
Folk impressionniste – Périgueux
Voilà plus de 20 ans que Delphine trace un chemin tout à la fois sinueux et limpide, un chemin qui lui est propre, rythmé par les boucles semées par sa guitare, hanté des échos de son chant et parsemés de ses pédales d’effet. Entre les projets purement musicaux, des débuts en solo avec Lady Calling et sa folk électrique au duo avec Mill et son ascétisme noisy, c’est une myriade de collaborations dans lesquelles Delphine trouve sa place, aussi bien auprès de danseuses, poètes, performeurs.ses, écrivains, chanteuses lyriques que du chorégraphe Eric Oberdorff et sa Compagnie Humaine. On découvrira en ouverture du festival une nouvelle étape de son parcours, où tous les gestes, paroles, boucles, impressions, mélodies et improvisations se condensent en un palimpseste qui à la fin ressemblera toujours entièrement et uniquement à elle.
Monolithe Noir
Eleckrautnica – Bretagne
Après avoir joué dans de nombreux groupes pop (Arch Woodmann…), Antoine Pasqualini bifurqua pour patiemment et savamment sculpter ce Monolithe Noir.
D’abord pensé comme un projet solo, il s’agit maintenant d’un trio partageant entre ses six mains les baguettes de batteries, les synthés analogiques, un chant à la discrétion élégante, et déployant pleinement sa grammaire percussive et organique sur scène.
S’inspirant tout autant de la douce folie de Silver Apples, des répétitions krautock, des paysages de Bretagne et même de fragments de sa musique traditionnelle (avec la présence d’une vielle à roue bricolée), le groupe dévoile un pouvoir de fascination qui n’a rien à envier à des groupes aussi adulés que Beak>.
Tels les singes de la scène introductive de 2001 l’odyssée de l’espace, tout le public de Lisle Sauvage 2023 est invité à s’adonner à toute sortes de convulsions dyonisiaques devant ce monolithe noir.

Samedi 24 Juin 2023
Hyper 8 Club
Ciné-concert de brocanteur – Périgueux
Comme chaque année, on trouve au festival un projet qui se plait à joyeusement brouiller les pistes entres les pratiques artistiques. Pour cette édition c’est Hyper 8 Club qui cochera la case haut la main. Emanation de la compagnie V.I.R.U.S, qui depuis 2006 fait jaillir de monticules d’objets destinés aux rebuts des instruments bricolés grâce à son génie de la lutherie sauvage, ce ciné-club ambulant et bricolé propose à même sa caravane dépliante des séances sur pellicule sublimées par leur passion de l’artisanat poétique, mélant à merveille leur musique au déroulement des Super 8. Si vous n’avez encore jamais vu une baston de monstres de la Hammer mise en musique avec un moule à kouglof joué à l’archet et un xylophone à clés plates, dites-vous qu’il vous reste encore des choses à découvrir.


Badaboum
Cascades No-Wave – Brest/Strasbourg/Amiens
Après Delacave l’an dernier, le festival s’acquitte à nouveau de son tribut à La Grande Triple Alliance internationale de l’Est en invitant Badaboum.
Trio composé de figures de ce collectif protéiforme et venimeux, Armelle (The Dreams, Heimat…), Solène (Dudu Geva, Avenir…) et Carine (Headwar, Les morts vont bien…), Badaboum est un diamant noir et rugueux issu d’un minerai post-punk primitif, dont les strates sinueuses mêlent des réminiscences de Malaria et Kleenex, ainsi que des incantations immémorielles de sabbats brumeux et enivrants.
On est ravi d’accueillir cette hydre joyeuse et inquiétante qui nous fera danser sous une lune écarlate à Lisle Sauvage 2023 !
Borguefül
Cordes sentimentales – Tours
Tenter de prononcer « Borguefül », c’est déjà faire un pas sur les reliefs poétiques créés par Mélanie Loisel.
Sa voix chante, feule, murmure, sculpte des paroles traduites dans un patois de Haute-Loire par sa grand-mère, pour évoquer des souvenirs d’enfance à travers des sensations, la pluie, le vent, la poussière.
Embarquée dans un flot de textures, de tensions harmoniques et de souffles organiques tirés d’une contrebasse qui fait bouger la terre et troubillonner les fragments ryhtmiques, la musique de Borguefül bâtit des espaces qu’on explore à la chandelle pour mieux en apprécier la beauté anguleuse.


I N S T I T U T R I C E
Casserolade sublime – Nantes
Se plonger à l’aveugle dans l’écoute de Cohortes, le premier album de I N S T I T U T R I C E, ne donnera aucune indication, que ce soit sur la composition du groupe ou sa provenance si tant est qu’elle soit du même univers que le nôtre. Folklore d’un monde imaginaire et fascinant, on y projette des liens avec le gamelan balinais, les kong vong thom de l’orchestre cambodgien ou même la txalaparta basque. Des nappes synthétiques et des fields recordings s’enroulent autour des flots percussifs, entre déflagrations polyrythmiques, grèles granulaires et pulsations ancestrales gorgées de mystère, dessinant un ethno-utopisme aspergé de rudesse et de sauvagerie naturaliste.
Pour percer un peu ces brumes, on apprendra que c’est un duo, composé de Eric Bentz et Jean-Baptiste Geoffroy, artistes très actifs jouant ensemble au sein de La Colonie de Vacances, et également dans une palanquée de projets comme Pneu, Tachycardie, Gablé, Electric Electric, Futuroscope, etc., et qu’ils jouent sur un ensemble d’ustensiles de cuisine détournés, martelant, frappant à deux comme s’ils ne faisaient plus qu’un, ne sonnant en rien comme une démonstration virtuose mais comme un appel à nous fondre avec eux dans une expérience collective, où nos sensations feraient partie de l’orchestre.
Aux yeux de la préfecture I N S T I T U T R I C E constitue un dispositif sonore, s’il n’est portable, du moins mobile, d’une puissance et d’une beauté telles que devant son rayonnement aucun ministre ne sera capable de mettre les pieds sur le territoire dans un périmètre de 150km tant que perdureront ses échos dans nos mémoires.
Tombouctou
Post-punk oblique – Lyon/Toulouse
En 2017, un groupe lyonnais qui avait décidé sans aucune raison valable de porter le nom d’une ville où il n’avait jamais mis les pieds sortait son premier album : « Ceiling coast ». Invraisemblable cavalcade, drache de riffs incandescents, véritable lâcher de harpies qui, après s’être délectées des larges estafilades tracées sur nos âmes pantelantes, nous laissait épuisés, confus, mais conquis.
Après une salve de concerts encore fumante dans les mémoires, les trois musicien.nes furent rattrapés par de basses contingences de la vie telles que la nécessité de vendre sa force de travail contre un salaire, ce qui constitue rarement une expérience enrichissante.
C’est donc lentement, dans les interstices de liberté laissés entre les chienneries de la vie, que la matière d’un nouvel album (sorti en février) prit forme, avec une science de l’écriture encore affinée pour faire briller plus fort l’éclat de chacune de leurs facettes.
De la grâce arrogante de Siouxsie & The Banshees à la science du feulement mélodique de Blonde Redhead, en passant par les entrelacs abrasifs d’un jazz déviant sous amphets, le groupe nous propulse avec ses contrastes narratifs d’un langoureux travelling dans une grotte de glace à l’ascension du Mordor chaussés d’une paire de Crocs®.


Parquet
Techno Poutre – Saint-Romain de Popey/Bagnolet/ Saint-Arnoult/Faux La Montagne et un peu Clermont
Une boite à rythme ou un batteur ? Lors des débuts d’un groupe, la question peut être posée sur la table. Le débat qui s’en suit prend souvent le même cheminement, on trouve d’abord tout un tas d’arguments en faveur de la boite à rythme : une batterie ça prend une place monstre, ça met des plombes à monter/démonter, le batteur sue beaucoup en général, etc. Alors qu’une boite à rythme ça fait jamais de pain, c’est léger, ça boit pas les bières des copains, meilleur bilan carbone, etc.
Puis arrive l’ultime contre-argument qui souvent fait tout basculer : une batterie c’est quand même super cool.
En ce qui concerne Parquet, il semblerait que ses cinq membres se soient abstenus de tout débat fastidieux tant leur formule se révèle d’une efficacité foudroyante sur scène : ils jouent une techno qui n’appartient qu’à eux avec les instruments d’un groupe de rock, croisant la culture club berlinoise avec la rugosité tirée des amplis, cherchant la transe dans la répétition des gestes et des motifs distordus, entre bande-son d’un shoot’em up addictif des 80’s et dancefloor industriel.
Ce soir-là, on suera tous et toutes autant que le batteur.
Poneys Sauvages
Bordeaux Country Club
Christiane C., présidente de l’association Country Line Dance de Pissos (40), ne se lasse pas de le répéter : c’est sur un concert des Poneys Sauvages qu’elle et tous les membres du club ont exécuté leur meilleure danse. Les demandes d’adhésion ont d’ailleurs explosé dès le lendemain. Michel Déon, académicien, auteur des “Poneys Sauvages”, l’aurait avoué à un cercle de proches : sans cet hommage tardif à son roman, il aurait raccroché l’épée avant de passer l’arme à gauche. Quant à Alain J., artisan bottier qui travaille uniquement sur du simili crotale durable et chausse tous les membres du groupe, il se frotte les mains de ce partenariat, le port de la santiag faisant tache d’huile à chaque apparition du groupe. Enfin, laissons la parole à Maxime G., président du comité administration d’un festival se déroulant en région lisloise : “franchement, avec ce groupe de country qui compose ses morceaux, les joue hyper bien, en tout début de soirée, ça va clairement être l’apéro de mes rêves”.


Léa et la boite à colère
Thriller psychologique pour enfants – Bordeaux
Parents, sachez-le, chaque année on prend soin de l’éveil artistique de votre progéniture. Ça ne rendra certainement pas votre réveil après la soirée du samedi moins difficile, mais en plus de vous donner bonne conscience il s’agira d’une autenthique expérience de qualité. Léa et la boite à colère est un conte, narré et chanté par l’autrice et musicienne Blandine Peis qui prête sa voix aux personnages et aux émotions qu’ils représentent. C’est un conte musical, joué par le trublion Matt Bohers qui réinvente sa guitare et quelques percussions pour en faire une palette des plus expressives, de la bande son aux bruitages. Et c’est un conte musical dessiné, grâce aux superbes illustrations projetées de Mathile Amy Roussel, qui font s’envoler l’histoire sur l’écran telle La danse de Matisse aux Pays des Merveilles. La boite à colère, l’objet central, prendra vie, et aidera les enfants à comprendre et capturer leurs émotions. On préfère ne pas en dévoiler plus, car les adultes peuvent aussi y assister : lorsque Léa doit apprendre à gérer sa colère quand le chien Pipo met de la bave sur ses jouets, nous les grandes personnes on doit tenter de gérer notre colère à chaque déclaration de l’abject Darmanin. Puisse la boite et ces talentueux.ses artistes nous aider autant qu’iels raviront les enfants.